THE COLORS OF BLACK

«D’innombrables nuits sans sommeil à vous attendre, mes noires beautés*»

Cette nouvelle série de Manuela Luchtmeijer joue avec des paradoxes. Le noir pour y chercher couleurs et lumière ? Enfanter ses enfants sans les porter en soi ? Comme tout le travail de Manuela Luchtmeijer, il nous faut un récit en images pour aborder ces multiples interrogations qu’une toile ne suffirait à porter.

La narration comporte trois phases, qui dénotent, par leur évolution stylistique, une accélération temporelle jusqu’au retour à l’apaisement. L’unité de la série repose dans la poursuite obsessionnelle d’un but, chaque toile portant en elle une part égale de doute et de sérénité, de joie et de souffrance jusqu’à la délivrance. C’est un chemin de l’abstraction d’un désir vers la réalité d’une présence, abruptement figurée.

La première séquence « Insomnia » est aussi la plus longue de la série. Il est question d’une attente, une attente paraissant parfois interminable, celle d’un enfant imaginé et rêvé, celle d’un enfant dont on se sait pas ni d’où ni quand il arrivera. Fidèle à sa manière propre de travailler, chaque toile de Manuela est le fruit d’une lente maturation. Préparation de fonds, qui prennent plusieurs mois, couche sur couche pour qu’à la fin se dégage formes et reliefs complexes, reflets des superpositions de sentiments contradictoires qui ont traversé leur élaboration. Dominante de bleus et de noirs (la nuit, les insomnies), traversés parfois d’éclairs fugaces (un esprit ?).

La deuxième phase, « Annonciation », est un opposé dramatique : un enfant arrive. Non, pas un, mais deux ! Mais qui sont-ils ? Quand arrivent-ils ? Comment vivre cette grossesse virtuelle de deux enfants noirs qui se nichent instantanément dans ce cœur de maman blanche ? Le doute et l’attente indéfinie font place à un violent tourbillon de sentiments, retranscrit par le geste du peintre sur la toile. Pour cela, Manuela commence à peindre à l’acrylique pour les derniers tableaux de cette phase, ce qui permet un travail beaucoup plus rapide et impulsif. Le bleu indolent fait place au rouge passionnel symbolisant l’impatience et l’amour naissant dépassant les liens de sang.

Enfin, « Madone », clin d’oeil figuratif vers l’aboutissement et le présent, vient clore la série dans l’apaisement et le concret. On remarque que mère et enfants sont de la même couleur, font un.

 

UNE NARRATION PAR EXERCICE DE STYLE

Au delà d’un sens premier se laissant appréhender sans fausse pudeur, chaque toile est traversée de références, profondes ou évidentes (comme l’humour d’une comparaison divine et virginale). Le sujet de la série, la maternité par adoption, est aussi et surtout un support pour une recherche picturale et technique afin de créer les plus d’effets possible dans la profondeur fascinante du NOIR.

* Cette série est dédiée à mes  jumeaux, mes bébés portés dans le cœur pendant si longtemps, adoptés en 2007 au Togo, Afrique de l’Ouest.

Counting the nights/huile sur toile/ 120x160cm/ Manuela Luchtmeijer 2009

Immaculée conception/huile sur toile/ 150x120cm/ Manuela Luchtmeijer 2009

Madone aux 2 enfants

Madone aux deux enfants/ acrylique sur toile/ 90x30cm/ Manuela Luchtmeijer 2009